L'antinazisme bien frileux du cinéma américain d'avant guerre.
Publié le 8 Septembre 2019
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9 à 21:39
Bien sur le cinéma hollywoodien a participé à sa manière à la seconde guerre mondiale
en produisant beaucoup de films à partir du moment ou les USA sont entrés en dans
le conflit, suite à l'attaque de Pearl Harbour, le 7 décembre 1941.
Mais auparavant, qu'en était-il de l'attitude de l'industrie du cinéma américain face à l'Allemagne nazie?
Voici quelques articles qui en disent longs.
http://www.lefigaro.fr/scope/articles-enquete/2008/11/19/08002-20081119ARTFIG007
67-annees-la-warner-s-en-va-t-en-guerre-.php
https://www.humanite.fr/comment-hollywood-sest-compromis-avec-le-regime-nazi-
https://www.la-croix.com/Culture/Livres-Idees/Livres/Hitler-et-Hollywood-histoire-d-
une-collaboration-2014-10-08-1218231
Il faut dire que parmi les hommes politiques et les élites du pays, tels que Charles
Lindbergh ou Henry Ford, on trouvait beaucoup d'admirateurs du régime nazi aux USA
dans les années 30.
Malgré cela, quelques productions ont osé défier cette complicité honteuse..
Je commencerais par des films que je n'ai pas vu.
"Les Aveux d'un espion nazi" (1939) de Anatole Litvak
En 1938, la Fédération germano-américaine recrute de plus en plus de membres. Des
espions sont parmi eux. Réalisé par Anatole Litvak, qui a fui l'Allemagne quelques
années plus tôt, le film est l'un des premiers tourné en Amérique et destiné à persuader
une Amérique encore neutre du fanatisme et du danger représenté par les nazis y
compris en dehors d'Europe. Il est basé sur des dossiers du FBI et comporte au moins
trois aspects : documentaire, propagandiste et scénarisé avec une histoire assez
complexe d'infiltration de sympathisants nazis dans les rouages de la société
américaine. Cette dernière partie est excellemment menée avec un Edward G.
Robinson très convaincant.
"Agent Double" de Lloyd Bacon (1939).
Contrairement à beaucoup d'autres mélodrames d'espionnage antérieurs à la Seconde
Guerre mondiale, Espionage Agent identifie clairement les méchants comme étant des Allemands. Joel McCrea joue Barry Corvall, le fils d'un diplomate américain récemment décédé. En embarquant dans un train à destination de Berlin, Corvall tente de glisser
une mallette bourrée de documents prouvant que les nazis ont infiltré des centres
industriels vitaux aux États-Unis. Il est aidé par Brenda Ballard (Brenda Marshall),
dont le comportement suggère parfois qu'elle n'est peut-être pas si digne de confiance.
Selon la machine publicitaire de Warner Bros., le scénario de Warren Duff était basé
sur des événements réels. Immédiatement après les confessions d'un espion nazi du
studio, l'agent d'espionnage indiquait assez que Warners avait déclaré la guerre à
l'Allemagne bien avant que le président Roosevelt ne l'ait officiellement officialisée.
"Hitler - Beast of Berlin" (1939) de Sam Newfield .
À la fin des années 1930, Adolf Hitler avait de nombreux partisans aux États-Unis .
Ainsi, lorsque des films comme celui-ci se sont affrontés contre Hitler, la controverse
a été considérable. Initialement intitulé Hitler: La Bête de Berlin, il a été interdit
pendant un certain temps. La force du film original pourrait ne jamais être connue car plusieurs scènes clés ont été piratées afin de le rendre moins offensant et donc prêt
à être distribué. Depuis lors, le film original a été perdu. Bien qu’il s’agisse
essentiellement d’une chronique de l’Allemagne nazie, l’histoire est centrée sur quelques courageux opposants clandestins du régime fasciste qui propagent discrètement la propagande antinazie et conspirent pour renverser le gouvernement. Les dernières
parties du film traitent des terribles camps de concentration et de la terrible tentative
du héros de s'enfuir en Suisse.
"The Man I Married" (1940) de Irving Pichel
Peu avant la Seconde Guerre mondiale, une américaine se rend avec son mari d’origine allemande en vacances en Allemagne. Elle découvre un pays enflammé par la
propagande nazie… Produit par Darryl Zanuck, The Man I Married est un film destiné
à faire prendre conscience du risque que faisait peser l’Allemagne nazie sur le monde.
Tourné au printemps 1940, soit peu après le début de la guerre, le film place son
action en 1938 car il se concentre plus sur l’endoctrinement et la fanatisation d’un
peuple que sur la guerre proprement-dite. On peut noter quelques images réelles de rassemblements nazis. Le film évoque en outre l’enrôlement de force des autrichiens
dans les usines et les camps de concentration. The Man I Married a visiblement été
produit rapidement mais il est intelligemment construit et bien fait. L’histoire est simple
mais efficace. Le film est facile d’abord et, donc, a du avoir une certaine efficacité. Le
discours sous-jacent est étonnamment lucide et clairvoyant.
Voici maintenant des films que j'ai vu.
On débute avec une exception, un film britannique, mais lorsqu'on voit qui est le
réalisateur, on ne peut l'ignorer.
"Une Femme disparaît" (1938) d'Alfred Hitchcock.
"Une Femme disparaît" est l'un des chefs-d'œuvre de la période anglaise d'Hitchcock.
L'une de ses nombreuses qualités est de parvenir au parfait dosage entre la gravité du
propos et son traitement très léger et second degré. Hitchcock a fait beaucoup plus de
films politiques qu'on le croit et "Une Femme disparaît" en est la preuve. Datant de
1939, il est sans aucun doute possible un film antinazi par le biais duquel le réalisateur
veut faire comprendre aux anglais qu'ils ne peuvent pas et ne doivent pas tenter de parlementer avec Hitler. On peut même aller plus loin en disant qu'il défend l'idée
d'une entrée en guerre contre l'Allemagne. Ainsi, à l'avocat anglais qui se déclare
pacifiste, on réplique que les premiers chrétiens l'étaient aussi. Et celui-ci est présenté
durant tout le film comme un lâche qui donc refuse le combat mais également de
divorcer pour épouser sa maîtresse avec qui il est alors en voyage de peur du scandale
et des retombées négatives sur sa carrière. On retrouve également ici un motif
récurrent des films du maître du suspense, à savoir qu'il ne faut jamais se fier aux apparences. Entre une religieuse qui portent des talons hauts, une gentille gouvernante
qui est une espionne et un italien à l'air un peu idiot qui est en fait un grand magicien, personne n'est se qu'il prétend être. Mais comme dit plus haut, "Une Femme disparaît"
est dans sa forme très léger et drôle. On pense bien sur aux deux anglais qui, alors
que l'Europe est au bord de la guerre, ne pensent qu'à rentrer à tant pour assister à
un match de cricket mais qui jouent de malchance et sont notamment obligés, à l'hôtel,
de partager une chambre, un bout de fromage en guise de dîner et même un pyjama !
On est alors proche du genre burlesque. Mais on retient également les échanges
délicieux entre Margaret Lockwood et Michael Redgrave, impeccables. "Une Femme
disparaît" est donc au final un film hautement politique caché derrière l'image d'un
brillant jeu de piste dans lequel les intérêts des personnages ne cessent d'interférer.
"3 camarades" (1938) de Frank Borzage.
Un roman d'Erich Maria Remarque, un scénario cosigné par Francis Scott Fitzgerald,
un film produit par Joseph L. Mankiewicz et réalisé par Frank Borzage... Quelle carte de
visite ! Le résultat ne déçoit pas. Ils ne sont pas si nombreux les films qui traitent conjointement et habilement de l'amitié et de l'amour, sans tomber dans le
sentimentalisme. Ces trois camarades (qui sont en fait quatre avec la jeune femme)
sont liés par des sentiments très purs. Il se dégage de cette relation une belle
harmonie sensible, naturelle, touchante. Tourné en 1938, en pleine montée en
puissance d'Hitler, ce film est aussi un témoignage juste et dramatique sur l'Allemagne
d'alors, son climat délétère, sa violence prête à exploser. Pas si courant à l'époque.
Autant de raisons pour découvrir et apprécier ce beau mélo historique.
Si 3 camarades traite du nazisme en filigrane, on continu avec une autre oeuvre de
Frank Borzage, bien plus engagé sur le sujet.
"The Mortal Storm"(1940) de Frank Borzage.
Les films hollywoodiens qui ont dénoncé le Nazisme comme une force absolue du mal
à éradiquer, ce n'était pas fréquent à une époque où les États-Unis n'étaient pas
encore entrées dans le second conflit mondial mais il y en avait déjà quelques-uns.
Et un film qui dénonce le nazisme en y expliquant ses mécanismes diaboliques, c'était exceptionnel. Pour résumé, avec tout le lyrisme et l'humanisme qu'on lui connait,
Frank Borzage nous montre comment une idéologie néfaste détruit les hommes, tous
les hommes, ceux qui sont contre, ceux qui le subissent par la peur, et ceux qui en
sont atteints, avec une subtilité et une lucidité que très peu de films de la même
période avaient. Un grand Borzage.
The Mortal Storm a cette inestimable particularité d'être un film américain anti-nazi
sorti avant l'attaque de la base de Pearl Harbour, soit avant la déclaration de guerre
des Etats-Unis contre l'Axe. Frank Borzage fait preuve d'une lucidité écrasante face à
la doctrine inhumaine véhiculée par l'Allemagne hitlérienne des années trente : le
brave professeur (non aryen) que tout le monde honorait avec respect se retrouve
du jour au lendemain au banc de la société, objet de tous les mépris et toutes les
avanies. Nul ne doit se montrer sympathisant des exclus, sous peine d'être exclu
soi-même : c'est le cas du personnage toujours probe de James Stewart, allant jusqu'à
se faire tabasser par des SA haineux. La scène finale, qui dévoile un Robert Stack
reconverti, est d'une sublime subtilité. Le film a certes légèrement vieilli - les décors et miniatures de paysage en carton sont assez naïfs, la poursuite en ski n'impressionne
plus personne -, mais le propos pacifique lui donne une supériorité sur de nombreux
films de l'époque : sous l'apparence d'une banale mais lumineuse histoire d'un Roméo
et d'une Juliette qui se découvrent un amour réciproque, Borzage décrit la petite
Allemagne perdue au fond des montagnes, une région perdue mais qui n'échappe
pas à la montée de la haine et de la violence meurtrière du nazisme.
"Correspondant 17" (1940) d'Alfred Hitchcock.
Le second film américain du maître du suspense, après le sublime Rebecca, est un
véritable film anti-nazi.
Si dans le fond, on peut y voir les prémices de la guerre et la vision d'une Amérique
peu concernée qui se moque de ce qui se passe en Europe via son personnage principal.
C'est un film qui incite les américains à être actifs et concernés par la Seconde Guerre mondiale. Hitchcock livre un passionnant thriller sur fond d'espionnage où suspense,
tension, action, charme et humour sont au rendez-vous.
Chasse à l'homme (1941) de Fritz Lang
Dans un entretien paru dans le New York Word Telegrame du 11 juin 1941, Lang
déclarait : "Man Hunt n'est pas un film de propagande -le public n'aime pas la
propagande mais des choses intelligentes - mais un film d'aventures sur un arrière plan
de nazisme, avec la Gestapo dans le rôle des chasseurs".
On y trouve cependant un réquisitoire implacable contre les nazis, assassins pratiquant
la torture et débarquant à Londres telle la peste. Le plan final de Thornidke sautant en parachute, carabine à la main, bien décidé à en découdre est un appel sans équivoque
à la mobilisation.
Fidèle à ses thèmes plastiques, Lang oppose la ville anglaise civilisée à ses bas fonds,
tunnels et souterrains dans lesquels se complaît l'espion. Remarquable utilisation de la
broche de Jenny qui sert de pointe de flèche pour défendre Thorndike.
"Le Dictateur" (1940) de Charles Chaplin.
On termine avec le chef-d'oeuvre du genre.
Chaplin est un génie , on ne le répétera jamais assez. La poésie que le muet dégageait
est toujours présente ici.La naïveté de son personnage, la musique, le comique, le
dialogue, tout est parfait .
Et Paulette Goddard interprète son rôle à la perfection.
Encore une fois, "Le dictateur", comme la majorité des Chaplin, est un hymne à
l'humain contre l'inhumain.
"Le dictateur", à l'instar de beaucoup de Chaplin, est bien sûr un film politique engagé,
sorti en 1940.
Je finirai sur le discours prononcé à la toute fin du film qui reste une des allocutions
les plus touchantes jamais prononcées sur grand écran. Chaplin regarde directement
la caméra, et s'enflamme sur des thèmes ultra universels qui, de par leur simplicité,
leur évidence, leur universalité, nous touchent de plein fouet.